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Quand Gainsbourg retrouve Les chemins de Katmandou

CinemaSergeGainsbourgQuatorze ans après sa parution initiale, la nouvelle version augmentée du coffret Le cinéma de Serge Gainsbourg propose plus de six heures de compositions de l’Intoxicated Man pour le grand écran. De ses débuts en compagnie d’Alain Goraguer pour L’eau à la bouche (1959) aux tardifs Charlotte Forever et Stan the Flasher, cette somme rend également hommage aux arrangeurs de l’ombre de Gainsbourg, artisans aussi talentueux que discrets (y compris pour les registres de la SACEM). Parmi ces derniers figurent Michel Colombier, Jean-Pierre Sabar et Jean-Claude Vannier, co-architecte des édifices orchestraux d’Histoire de Melody Nelson et de scores monumentaux, dont ceux de Cannabis et surtout La Horse, implacable thriller agricole de 1969 starring Jean Gabin.

Longtemps considérée comme le Graal des collectionneurs Gainsbouriens, la bande-son des Chemins de Katmandou, obscure adaptation du roman de René Barjavel signée André Cayatte en 1969, faisait partie de la courte liste des trésors égarés. Stéphane Lerouge, concepteur du coffret original de 2001 et de cette nouvelle anthologie, raconte la (re)découverte de ces bandes perdues.

Katmandou« À titre personnel, je fantasmais sur Les Chemins de Katmandou. C’est l’un des Himalaya objectifs de la collaboration Vannier-Gainsbourg. Mais la situation semblait désespérée : plusieurs documents administratifs prouvaient qu’un 45-tours avait été envisagé sur Philips, en 1969. Or, aucun vinyle n’a jamais été publié et les archives d’Universal ne contenaient pas la queue d’un support sur cette musique. Seul YouTube permettait d’écouter un repiquage du générique début, au son tragique, mis en ligne par un geek guatémaltèque ! (rires) Du coup, pour représenter Katmandou dans le coffret, l’ami Fred Pallem a réenregistré une relecture du générique début, à la fois personnelle et respectueuse. Les éléments du coffret étaient sur le point de partir en fabrication quand la providence a décidé de nous donner un coup de main.

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En février, Jean-Claude Vannier était en vacances à Lisbonne. On se passe un coup de fil, je lui parle du projet, il me glisse sur un ton détaché : «Tu penses que la bande originale des Chemins de Katmandou pourrait t’intéresser ?» Pour un peu, j’ai failli faire le même malaise vagal que Sarkozy lors de son jogging de 2009 en plein cagnard ! (rires) À Lyon, dans un grenier, la fille de l’ancien copiste de Jean-Claude, était tombée par hasard sur une bande de Katmandou, planquée dans une vieille valise. C’était incroyable, fascinant, vertigineux : cette bande dormait dans une valise depuis 1969… et voilà qu’on la retrouvait en 2015, à la veille de graver les masters du nouveau Cinéma de Serge Gainsbourg. On a tout stoppé, in extremis, pour intégrer cette découverte miraculeuse. Katmandou, c’est la troisième collaboration entre Vannier et Gainsbourg, l’une des partitions où le “son Vannier” de l’époque claque le plus, avec La Horse et Cannabis : le timbre du clavinet, instrument fétiche qui relie ces trois partitions, le piment harmonique de Jean-Claude, son écriture pour cordes, reconnaissable entre mille… Il y a aussi un thème lyrique, Jane et Olivier, étrangement médiéval, avec des quartes successives, une interruption d’un piano un peu dissonant, à la Monk. En studio de mastering, Jean-Claude s’est demandé comment il a pu penser musicalement au Moyen-Age pour évoquer les communautés hippies au Népal ! (rires). Il y a aussi un bijou pop, Transe party des haschichiens, l’un des sommets du coffret, construit sur trois accords répétés, avec un chorus de guitare démoniaque, qui s’envole dans un vrai crescendo lyrique. Il faudra, à mon avis, peu de temps à ce morceau pour être samplé… Les mots me manquent pour remercier Jean-Claude de nous avoir transmis ce trésor, de s’être impliqué dans sa restauration en mastering. Grâce à lui, cette bande originale culte va être enfin publiée en disque, pour la première fois. Ce moment de partage sera, j’espère, à la hauteur des quarante-six ans d’attente ! « 

Le cinéma de Serge Gainsbourg (Écoutez le cinéma !/Universal). Coffret 5-CDs et version digitale disponibles le 20 avril. Vinyle simple disponible en juin.