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Classiq Rock

Ritchie Blackmore et l’horloge hantée

Pour célébrer les 70 ans du guitar hero de Deep Purple et de Rainbow, Eagle Vision vient de publier le documentaire “The Ritchie Blackmore Story”, disponible en trois versions : dvd, blu-ray et coffret collector 2 dvd / 2 cd. Julien Ferté, ce veinard, a reçu la version collector ! Compte-rendu.

BLACKMORE PochetteJe me suis souvent demandé pourquoi ce grand soliste (Child In Time ! Highway Star ! Stargazer ! Knocking On Your Back Door !) et ce grand riffeur (Smoke On The Water ! Burn ! Man On The Silver Moutain !) de Ritchie Blackmore était souvent, voire quasi systématiquement le grand oublié des critic polls et autres tops célébrant les guitar heroes venus de la Terre des Angles. J’ai enfin compris pourquoi en regardant le documentaire d’Alan Ravenscroft, sobrement intitulé “The Ritchie Blackmore Story” : ce septuagénaire au regard doux et malicieux et au look de ménestrel totalement décalé a l’air de profondément s’ennuyer quand il parle de lui. Loin, très loin de son confrère Jimmy Page, qui est le meilleur gardien du temple de sa légende – et de celle de Led Zeppelin –, Ritchie Blackmore semble être un mec à la fois simple, complexe, un brin mégalo (forcément), mais somme toute très modeste, un rien pudique même, en tout cas bien peu concerné par la trace qu’il laissera (qu’il le veuille ou non) dans l’histoire du rock anglais. Vous en connaissez beaucoup des guitaristes de son calibre capables de suggérer à leur manager de se faire remplacer par un autre guitariste quand Deep Purple devait tourner aux Etats-Unis ? Moi non plus.

BLACKMORE GaminAvec sa guitare (acoustique) vissée sur ses genoux et une chope de bière à portée de main, il égrène ses souvenirs sur un ton soigneusement dépassionné : son enfance, son père autoritaire, son amour immodéré pour la guitare*, ses débuts à Hambourg, ses concerts avec le chanteur allumé Screaming Lord Sutch, son travail avec le producteur Joe Meek – comme Jimmy Page, Blackmore a fait beaucoup de séances en tant que session man, et tous deux avaient une grande admiration pour Big Jim Sullivan, guitariste légendaire des studios londoniens…
Ceux qui ont lu Ritchie Blackmore, Black Knight, la biographie de Jerry Bloom, ou Smoke On The Water : The Deep Purple Story de Dave Thompson n’apprendront pas forcément grand chose de nouveau sur l’ombrageux virtuose. (Mais je doute que beaucoup de fans français aient lu ces deux livres, alors…) Et dès qu’il s’agit d’évoquer la saga Deep Purple, Blackmore se garde bien d’expliquer, d’analyser ou de glorifier quoi que ce soit. Il se montre même souvent critique, notamment envers son meilleur ennemi, le chanteur Ian Gillan – malgré le temps qui passe, les vieilles rancœurs ne semblent, curieusement, toujours pas oubliées…

BLACKMORE Montage #1Paradoxalement, ce sont les “grands témoins” qui élèvent sa contribution à Deep Purple – Rainbow n’est toujours pas entré dans la mémoire collective… – au niveau qu’elle mérite : celui de la légende du rock. Ainsi, ses confrères Steve Vai, Joe Satriani, Steve Lukather et Brian May sont très élogieux (Blackmore est intimement lié à leur adoslescence), tout autant que Ian Anderson (Blackmore a toujours été un grand admirateur de Jethro Tull), Lars Ulrich, Gene Simmons (!) et, of course, ses ex-compagnons de route : David Coverdale, Glenn Hughes, Joe Lynn Turner, Graham Bonnet, Roger Glover et le regretté Jon Lord. Sans oublier sa compagne, Candice Night, la chanteuse de Blackmore’s Night, combo pop-folk médiévalisant avec lequel Blackmore aligne les disques et les tournées depuis plus de quinze ans, au grand dam des nostalgiques de Deep Purple et de Rainbow.
À vrai dire, les meilleurs anecdotes racontées par Blackmore ne figurent pas dans le documentaire lui-même mais dans la section bonus interviews du dvd. Jimmy Page, Jeff Beck, John Bonham, Jerry Lee Lewis, la vague punk… : entre auto-dérision et humour noir typically british, ces passages sans doute trop explicites à son goût révèlent les aspects les plus intéresssants de sa personnalité complexe et insaisissable. Ne manquez pas l’évocation du fantôme coincé dans son horloge !

La version “deluxe”, au format carré façon beau livre, contient le dvd du documentaire ainsi que le dvd et le double cd du dernier concert de Rainbow – mars 1984 – avec Joe Lynn Turner (chant), David Rosenthal (claviers), Roger Glover (basse) et Chuck Burgi (batterie, entendu par ailleurs avec Brand X). Le livret de 60 pages, fort bien imprimé, contient de nombreuses photos de l’“homme en noir”, toutes époques confondues.

“The Ritchie Blackmore Story” (Eagle Vision / Universal, dvd, blu-ray ou coffret 2 dvd / 2 cd)

* Il y a peu, un sympathique confrère me confiait que lors d’une récente interview, Blackmore lui avait avoué qu’il travaillait toujours son instrument, et notamment en écoutant des saxophonistes, dont Wayne Shorter…