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Lee Ritenour et Larry Carlton, héros de studio

Le label BGO Record vient de rééditer en deux doubles cd six albums essentiels de Lee Ritenour et Larry Carlton, deux des guitaristes de studio les plus demandés des années 1970.

LEE & LARRY Photo Ritenour GPinoEn 1974, à peine âgé de 22 ans, Lee Ritenour passait déjà le plus clair de son temps dans les studios californiens. Au ryhtme de vingt sessions par semaine, son c.v. s’enorgueillit très vite des noms les plus prestigieux : pop stars en quête de musicalité supérieure (Barbra Streisand, Cher, Johnny Matis, Glen Campbell, Sergio Mendes…), mais aussi légendes du blues (B.B. King) et du jazz (Frank Sinatra, Quincy Jones), sans parler des multiples BO auxquelles il a collaboré (Saturday Night Fever, Taxi Driver, Le ciel peut attendre, Officier et gentleman…).

LEE & LARRY Photo Carlton XDRQuatre ans plus tôt, au tout début des années 1970, Larry Carlton, qui lui aussi avait commencé la guitare à 6 ans, s’était non moins rapidement fait une place au soleil… dans l’ombre des plus grands studios de Los Angeles, où il a dû plus d’une fois croiser son confrère Lee ! Au nombre pas moins impressionnant de ses apparitions discographiques, on citera Joni Mitchell, Billy Joel, les Four Tops, Steely Dan, Minnie Riperton, Linda Ronstadt, Joan Baez, Christopher Cross, Barbra Streisand, mais aussi les Crusaders, dont il fut l’un des solistes majeurs.

Lee Ritenour a enregistré son premier album sous son nom, “First Course” (Epic), en octobre 1975 au fameux Sound Labs d’Hollywood. L’ingé son ? Le légendaire Al Schmidt. Les collègues de travail de Lee ? Dave Grusin, son ami de toujours, Larry Nash (du L.A. Express, dont Larry Carlton fut le premier guitariste, avant de céder sa place à Robben Ford), Jerry Peters, Chuck Rainey, Louis Johnson, Harvey Mason, Ed Greene… (“First Course” a été réédité par BGO Records en 2014.) Entre deux séances, les fans de jazz électrique retrouvaient régulièrement son nom à l’affiche des clubs de L.A., le Donte’s, et le fameux Baked Potato. C’est à cette époque qu’il a hérité de son surnom de super héros de la guitare, “Captain Fingers”, qui donna d’ailleurs son titre à son deuxième album solo pour Epic. Mais, en 1976, Lee Ritenour quitte pourtant ce label à l’amiable…

Larry Carlton, lui, n’avait pas attendu longtemps avant de sacrifier à l’exercice du disque solo. Mais ni le dispensable “A Little Help From Fiends” (1969) ni “Playing/Singing” (pourtant enregistré avec l’aide des Crusaders) n’eurent de succès. C’est en sigant en 1978 avec Warner Bros. que la carrière de leader de Carlton va réellement commencer. Au même titre que Lee Ritenour, et un an après son premier album éponyme, Mr. 335 – un surnom hérité de son modèle de Gibson fétiche… – va commencer d’aligner des albums qui, sans atteindre le niveau d’inventivité des chefs-d’œuvre des grands groupes de jazz électrique de l’époque – Weather Report, Return To Forever, les Headhunters, le Mahavishnu Orchestra… –, feront découvrir son talent unique à toute une génération d’amateurs en quête de musique instrumentale sophistiquée servie par des orfèvres, pardon, des héros de studio dont la simple lecture des noms sur une pochette faisait rêver.

LEE & LARRY RitenourRevenons à l’ami Lee. BGO Records a choisi de réunir trois de ses albums majeurs, remasterisés pour l’occasion, et publiés à l’origine par Elektra (ou sa branche Elektra Musician). “The Captain’s Journey” (1978) démarre par l’épique et sensuel morceau-titre, où toute l’expressivité de son phrasé hyper-mélodique et de sa sonorité rieuse est mise en valeur par des accompagnateurs, est-il besoin de le préciser, de tout premier plan : Patrice Rushen, Dave Grusin, David Foster, Abraham Laboriel (dont le fils est le batteur de Paul McCartney…), Steve Gadd, Alex Acuna… Autant de “top players” qui élèvent ce qui ne pourrait être qu’une banale fusion soft à un niveau de musicalité tellement au-dessus de la moyenne… Encore plus funky et pop, “Feel The Night” (1979) est sans doute l’album où Lee Ritenour fait le mieux chanter sa guitare : pas besoin de vocaliste invité quand on joue comme ça ! (Patti Austin vient cependant faire un petit tour…) Ecoutez Feel The Night, Wicked Wine (mention à “Abe” Laboriel) et French Roast, avec, en prime, un Steve Gadd des (très) grands jours… La même année, Lee Ritenour fera plusieurs aller-retours entre Santa Barbara, New York et Rio de Janeiro pour enregister “Rio”, son opus de “fusion brésilienne”, sans doute pas aussi (re)connu que “Native Dancer” de Wayne Shorter ou “Brazilian Love Affair” de feu George Duke, mais pourtant très réussi. La funkysime ouverture, Rio Funk, avec sa mémorable partie de basse slappée par un gamin de 20 ans nommé Marcus Miller, est une fausse piste : les autres morceaux sont nettement plus soft et ensoleillés, et c’est principalement à la guitare acoustique que Captain Fingers s’exprime.

LEE & LARRY CarltonPour Larry Carlton, le tarif BGO Records est le même : trois opus solo étalés sur deux CD. Avec son mixage un peu “sec”, “Strikes Twice” (1980), qui faisait suite à l’épatant live “Mr. 335” de 1979, n’est pas l’album le plus mémorable de Larry Carlton, qui s’y piquait plus que de raison à jouer au chanteur… Son phrasé fluide, sa culture harmonique et sa sonorité bluesy font pourtant merveille dans Strikes Twice, Springville (magnifique intro en solo) et For Love Alone.
En 1982, Mr. 335 revient avec l’album que l’on peut raisonnablement considérer comme l’un de ses meilleurs, “Sleepwalk”. Curieusement oublié dans les liner notes pourtant très sérieuses et hyper-détaillées de Charles Waring, le grand spécialiste du Fender Rhodes Terry Trotter (qui, dit-on, aurait effectué quelques remplacements au sein du légendaire quintette “sixties” de Miles Davis) y joue un rôle fondamental : les teintes bleu-nuit de son piano électrique se marient idéalement avec la guitare féline du leader, au sommet de son art. Et quand on sait que la section rythmique qui joue sur la plupart des titres est formée par le tandem Abe Laboriel / Jeff Porcaro… Last Nite, Blues Bird, Frenchman’s Flat (un shuffle façon Porcaro), 10:00 P.M. et You Gotta Get It While You Can peuvent être écouté sans modération. (10:00 P.M. fut naguère le premier générique de Bonsoir les clips…)
Un an plus tard, Larry Carlton allait frapper aussi fort avec “Friends”, servi par une production grand luxe signée… Carlton himself, qui a tout enregistré dans son propre studio, Room 335. Là encore, un casting hollywoodien de musiciens cultes, de Michael Brecker (très en verve sur le mid tempo L.A., N.Y.) à Jeff Porcaro (toujours aussi exceptionnel) en passant par Joe Sample et les indispensables Terry Trotter et Abe Laboriel. Deux guest stars font aussi la différence : feu B.B. King sur Blues For T.J. (sans doute un rêve de gosse pour Carlton d’enregistrer avec le Maître…) et Al Jarreau dans une pétillante reprise de Tequila. D’un bout à l’autre, ce disque sonne aussi bien qu’un Steely Dan Grand cru. Vous savez ce qu’il vous reste à faire…

CD Lee Ritenour : “The Captain’s Journey / Feel The Night / Rio” ; Larry Carlton : “Strikes Twice / Sleepwalk / Friends” (BGO Records / Import Angleterre).
Net www.bgo-records.com