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Narada Michael Walden, la danse du batteur

Joyeux hasards de l’édition phonographique : BGO Records réédite les trois premiers disques de Narada Michael Walden, tandis que Tarpan Records sort son nouvel opus, “Evolution”. Quarante ans de grooves, des plus sauvages aux plus calibrés.

Quand, à la fin des glorieuses années 1970, Narada Michael Walden a décidé de ranger ses baguettes dans la poche arrière droite de son jean et de privilégier sa carrière de producteur, nombreux sont ceux qui portèrent le deuil de son jeu phénoménal. Ce jeune homme avait réussi à succéder à Billy Cobham – oui, vous avez bien lu – au sein du Mahavishnu Orchestra, un défi que bien peu de batteurs auraient osé relever. Mais il n’avait pas seulement marqué de son empreinte polyrithmique les grandioses architectures jazz-rockisantes du groupe de John McLaughlin : il avait aussi ajouté une singulière touche dansante, notamment dans le curieusement mésestimé “Inner Worlds” de 1976.
Mais il n’y avait pas que le Mahavishnu Orchestra : ses admirateurs goûtaient tout autant sa contribution au second opus jazz-rock de Jeff Beck, “Wired” : outre quelques perf’ mémorables derrière ses fûts (Led Boots et son intro légendaire, son duo avec Ed Greene dans Come Dancing…), NMW y signait quatre compositions devenues de classiques (Sophie, Come Dancing, Love Is Green et Play With Me). Ajoutez à ce précieux butin sa participation à six autres albums cultes, “Teaser” de Tommy Bolin (1975) et “Velvet Darkness”*** d’Allan Holdsworth (1975), “Black Market” de Weather Report, le premier album de Jaco Pastorius, “Vimana” de Nova (tous parus en 1976) et “Rhythm Of Life” de James Mason (1977), et vous comprendez pourquoi ses fans de la première heure pleurèrent à chaude larmes quand il décida donc de consacrer le plus clair de son temps à la production de divas soul.
Une orientation somme toute osée qui lui valu une nouvelle forme de reconnaissance : celle du “métier”, pas moins, voire nettement plus gratifiante pour un batteur – NMW est au jazz-rock que Phil Collins fut au prog’ rock : un musicien qui a su dépasser sa fonction. Ainsi, NMW obtint une floppée de hits records et de grammies grâce à son travail avec Whitney Houston, Aretha Franklin, Diana Ross, Al Jarreau et, gloups, Mariah Carey. (Liste non-exhaustive.)

Mais quand à l’orée des années 2010 Jeff Beck annonça le line up de son nouveau touring band, le sang des fusion lovers ne fit qu’un tour : hormis Jason Rebello aux claviers et Rhonda Smith à la basse électrique, Narada Michael Walden, ô miracle, faisait son retour aux drums ! Seul un (trop) bref et frustrant “Live And Exclusive From The Grammy® Museum” rendit compte de cette tournée. Pas de “Wired II” dans la musette donc… (Et les larmes se remirent à couler.)

NARADA BGO RecordsLes nostalgiques s’en retourneront donc vers le “3 lp on 2 CD” que vient de publier BGO Records, qui retrace idéalement les glissements progressifs de Narada le beat maker en fusion vers le R&B pur jus. Son premier disque, “Garden Of Love Light” (1976), qui était depuis longtemps introuvable en cd, est un must pour tous ceux qui connaissent par cœur les millésimes 1976 évoqués plus haut.
Les fusion heroes comme on les aime sont là (Ray Gomez, David Sancious, Will Lee, Sammy Figueroa, Norman Jean Bell…), et, last but not least, Devadip Carlos Santana et Jeff Beck figurent parmi les invités – El Becko joue dans l’épatant Saint And The Rascal, qui aurait très bien pu figurer dans “Wired”. L’épique et lyrique instrumental The Sun Is Dancing (mention à Ray Gomez, super expat’ frenchie de la six-cordes électrisante) aurait quant à lui trouvé sa place dans “Visions Of The Emerald Beyond” du Mahavishnu Orchestra.

 “I Cry, I Smile” (1977) et “Awakening” (1978) nous offrent à boire et à manger, mais contiennent suffisament de bons moments pour faire office de sympathiques bonus records à l’essentiel “Garden Of Love Light” : Mango Bop (avec le regretté Hiram Bullock à la six-cordes) dans “I Cry, I Smile” et, dans le plus homogène “Awakening”, I Don’t Want Nobody Else To Dance With You (bombinette dance floor featuring les frères Brecker) et Give Your Love A Chance (sucrette disco réhaussée par un solo de Michael Brecker).

NARADA EvolutionLe tout récent “Evolution” confirme que son comeback inattendu avec Jeff Beck n’était qu’une parenthèse. L’orientation est clairement R&B XXIe siècle, avec voix auto-tunées et grooves pasteurisés, limite eurodance dans Tear The House DownBaby’s Got It Going On titillera les tympans des fans de Rick James, mais c’est évidemment loin d’être suffisant pour nous émouvoir durablement. NMW le batteur a composé des instrumentaux qui nous accompagnent depuis des lustres, mais NMW le songwriter ne nous tiendra jamais aussi longtemps compagnie. Et il faut bien le dire : le son, l’atmosphère et l’ouverture des glorieuses années 1970 lui convenaient tellement mieux… Nostalgique, moi ?! Allez savoir…

CD “Garden Of Love Light / I Cry, I Smile / Awakening” (BGO Records / Import Angleterre). “Evolution” (Tarpan Records, sortie le 30/11)

*** Merci à David Patrois !