King Crimson, de quoi (r)avoir le Thrak

Vingt après sa parution, “Thrak” de King Crimson vient de ressortir dans la “40th Anniversary Serie” sous forme d’un hallucinant coffret de 16 cd (!), mais aussi en double cd/dvd, nettement plus abordable. Pour l’occasion, Jakko Jaksyk et Robert Fripp ont entièrement remixé l’album.

En 1962, Ornette Coleman enregistre “Free Jazz” avec un double quartette. Trente ans plus tard, Robert Fripp songe à relancer son éternel et protéïforme King Crimson en mode double trio. Ses problèmes juridiques avec E.G. Records repousseront l’échéance jusqu’au 18 avril 1994, date de naissance officielle de la nouvelle incarnation du groupe featuring deux guitaristes, Fripp et Adrian Belew (Frank Zappa, David Bowie, Talking Heads…), deux bassistes et/ou joueurs de stick, Tony Levin (Gary Burton, Paul Simon, Peter Gabriel…) et Trey Gunn, et deux batteurs, Bill Bruford (Yes, Bruford, Earthworks…) et Pat Mastelotto (Mr. Mister). [En 1993, Gunn et Mastelotto avaient formé la section rythmique de “The First Day”, le disque de David Sylvian et de Robert Fripp, NDR.]

De nouveau King Crimson, nous avions été privés pendant onze ans, et la sortie de “Thrak” fut un inespéré don du ciel pour tous les kingcrimsonophiles et autres kingcrimsonolâtres en manque. Précédé du mini-cd “Vrooom”, “Thrak”, d’emblée, nous paru moins radicalement novateur que “Discipline” (1981), qui trancha si radicalement avec les épisodes précédents de la saga King Crimson qu’il nous fit retourner vers le futur en aller simple (ça tombait bien, on n’avait pas envie de revenir).
“Thrak”, c’était autre chose, un album né au début de l’ère du Grand Recyclage, des premiers coups d’œils appuyés dans le rétro, du retour des sonorités vintage héritées des glorieuses seventies. Vrooom, l’électrisant et guitarissime instrumental qui ouvrait l’album, nous renvoyait dans le rouge à l’époque de “Red”. La voix plaintive, so Paul & John, et les chansons beatlessiennes du grand Adrian bruissaient presque de douce nostalgie.
Mais les baguettes mêlées de Bruford, ce héros, et de Mastelotto, ce veinard, touillaient des polyrythmes somme toute inouïs (écoutez B’Boom, clin d’œil gros comme ça au M’Boom de Max Roach), sans parler des sombres et graves jeu de cordes tissés par Levin et Gunn.
Et l’écoute répétée du cd, qui fort longtemps squatta notre Discman™, finit par en révéler les mille et un détails sonores qui le distinguait de tous les autres combos prog – et, déjà, néo-prog… Détails aujourd’hui magnifiés par le nouveau “Stereo Mix”. Bref, il est temps de vous offrir “Thrak” une seconde fois.
Mes fab’ : Vrooom, Dinosaur, People, B’Boom et Sex Sleep Eat Drink Dream.

CD/DVD “Thrak” (Panegyric / KCSP13). Liner notes instructives signées Sid Smith.