Deux ans après la superbe édition Deluxe de “Nightclubbing”, Universal ressort cette fois “Warm Leatherette”, premier des trois albums enregistrés au studio Compass Point par la diva jamaïcaine.
On ne va pas se mentir : le chef-d’œuvre de Grace Jones, et accessoirement son album le plus populaire, c’est “Nightclubbing” (1981). Pour autant, sans “Warm Leatherette” pas de “Nightclubbing”, car lors des séances de cet album qui inaugurait une trilogie presque culte – “Living My Life” est hélas nettement moins inspiré – que la chanteuse a commencé la plus décisive de ses mues artistiques.
Avant d’enregistrer “Warm Leatherette”, Grace Jones était toujours un mannequin qui défrayait la chronique grâce aux géniales photos de l’homme de sa vie, Jean-Paul Goude, mais aussi une diva disco en perte de vitesse qui voyait de moins en moins souvent – discographiquement parlant – La vie en rose (la reprise du standard d’Edith Piaf est l’un de ses plus grand tubes seventies).
Dans “Warm Leatherette”, via le flair des producteurs Chris Blackwell et Alex Sadkin, son répertoire est plus que jamais dominé par les reprises transformistes. New wave anglaise (le très sensuel Private Life des Pretenders, pépite white reggae signée Chrissie Hynde, le synthético-robotique Warm Leatherette de The Normal), pop glam chic et funky (Love Is The Drug de Roxy Music), soul vintage (The Hunter Gets Captured By The Game de Smokey Robinson, créé en 1967 par les Marvelettes) et même chanson française (Pars du grand Jacquot, Jacques Higelin).
Mais c’est avant tout un exceptionnel groupe qui se met en place lors des séances de “Warm Leatherette”. Avec, entre autres, Barry (White) Reynolds à la guitare (soliste inspiré dans Private Life, rythmicien créatif par ailleurs), Wally Badarou aux claviers (toujours aussi subtil et inventif) et, of course, les fantastiques Robbie Shakespeare (basse boa) et Sly Dunbar (batterie baobab), l’insécable section rythmique qui a donné à la pulsation caoutchouteuse du reggae ses lettres de noblesse crossover.
Si “Warm Leatherette” n’atteint pas les sommets de “Nightclubbing”, c’est parce qu’il est moins marqué par la perfection sereine que par l’urgence de la remise en question : le changement c’était maintenant pour Miss Grace Jones, et au passage deux ou trois titres moins inspirés empêchent d’adhérer totalement à cet album. Paradoxe : hormis la reprise de Private Life saluée par Chrissie Hynde elle-même, le meilleur moment de ces séances inaugurales aux Bahamas est une autre reprise, She’s Lost Control de Joy Division, dont Grace Jones sublime la noirceur originelle en y ajoutant la beauté ténébreuse de son phrasé de chanteuse de cabaret rétro-futuriste.
Reste que cette édition réellement Deluxe de “Warm Leatherette” (joli coffret simili-cuir, copieux livret, liner notes savantes) s’impose à tous les adorateurs de “Nightclubbing”, ne serait-ce que pour la qualité des bonus tracks disséminés sur le second cd bonus.
CD “Warm Leatherette” (2 CD Island / Universal).
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