« Belem », le nouvel album de Laurent Voulzy, s’inspire des musiques brésiliennes et d’un voyage inspirateur à Rio. Rencontre avec un orfèvre pop qui présente à Muziq sa « Sambacollection ».
Muziq : « Belem », votre nouvel album, est inspiré par la musique brésilienne. Quel est le point de départ de ce projet ?
Laurent Voulzy : Philippe Baden Powell, le fils de Baden Powell, a eu envie un jour de faire un album avec certaines de mes chansons traitées en jazz-samba et chantées en portugais, dont une version de Rockcollection comprenant des citations de chansons brésiliennes. Cet album était presque signé dans une maison de disques, mais au dernier moment, ça ne s’est pas fait et le projet a dormi pendant deux ans. Ce disque devait être réalisé par Philippe Cohen-Solal (producteur et fondateur de Gotan Project, ndr.), j’ai finalement relancé ce projet et on s’est mis au travail tous les trois. Dès le début de l’enregistrement de Spirit Of Samba, je me suis dit que j’allais faire un album complet totalement inspiré par le Brésil.
À quand remonte votre intérêt pour la samba et la bossa nova ?
Ça a commencé quand j’ai appris la guitare. J’avais environ quinze, seize ans et très vite, j’ai aimé tout ce qui concernait la guitare. Je n’étais pas attiré par un style particulier, mais tous les gens qui en jouaient me fascinaient. Le premier que j’ai vu jouer, c’était mon copain Serge qui m’avait joué L’Auvergnat de Brassens un jour, dans la rue. Plus tard, au moment où j’ai commencer à apprendre la guitare, j’ai été interne dans un lycée où tous les pions en jouaient. Il y en avait un qui jouait du jazz et des morceaux des Shadows et deux autres du classique, avec des études de Bach, des suites… J’étais fasciné et dans mon coin, j’essayais d’apprendre des trucs tout seul tout en écrivant mes premières chansons. Peu après, j’ai commencé à partager mon temps entre l’écriture de chansons, les reprises des morceaux des Hollies, des Kinks, des Beatles, des Stones avec mon groupe et à jouer de la musique brésilienne dans mon coin. Je ne sais pas vraiment pourquoi, mais j’ai été attiré très tôt par cette musique. J’étais fan de Baden Powell et avec un copain, on allait souvent voir le Trio Camara dans une boîte de la rue Mouffetard. Ils n’avaient pas de guitariste, ils jouaient en contrebasse/batterie/piano et ils ne faisaient que du Brésilien… Dans « Bopper en larmes », il y a déjà un morceau qui s’appelle Meu Samba Par Voce, un interlude très court avec des paroles de David McNeil. Le rêve du pêcheur a un tempo de samba, même chose pour Le soleil donne et Slow Down, sur « Avril ». Timides, le premier titre de « Belem », m’a été inspiré quand j’avais dix-sept ans, et My Song Of You, mon hommage à Astrud Gilberto, remonte à 1975, bien avant Rockcollection. Cette inspiration a toujours été là.
Vous avez une réputation de perfectionniste de studio. Pourtant, plusieurs titres de « Belem » ont été composés et enregistrés de manière spontanée, comme si vous aviez voulu capturer un instant.
Je passe parfois beaucoup de temps en studio, mais je ne cherche pas du tout à obtenir la perfection. Ce que je recherche avant tout, c’est l’émotion et elle était là… Quand tu arrives à Rio, l’aéroport s’appelle Tom Jobim. Ils n’ont pas pris le nom d’un général, d’un ministre ou d’un financier qui aurait aidé le Brésil, ils ont pris Tom Jobim. Et puis j’arrive dans ma chambre d’hôtel et j’ai Rio devant moi. J’étais sur la colline de Santa Teresa, une jolie colline avec de très vieilles maisons dans un quartier un peu bobo. Il y avait un piano dans la chambre. Ma guitare était encore dans sa housse, je me suis mis au piano et une suite d’accord est arrivée directement avec une mélodie. C’était la mélodie de Rio. Me retrouver là-bas, sur une plage, c’était aussi du très lourd pour moi. Je ne connaissais pas le Brésil, c’était la première fois que j’y allais de ma vie et me voici sur une plage déserte à Rio avec trois micros, un pour la voix, un pour la guitare et un autre pour la mer. À un moment, le soleil s’est couché derrière la montagne et la lune est montée de l’autre côté. L’ingénieur était en train de ramasser son matériel. Je lui ai dit de ne pas tout plier de suite, puis je me suis lâché et j’ai joué ce que je ressentais. J’arrive à Rio cinquante ans après en avoir rêvé à l’âge de 17 ans. et je voulais garder ce souvenir. Ces chansons sont brutes comme du bois flotté travaillé par la mer. En fait, j’aurais pu appeler ces morceaux Quatre planches de bois flotté (rires).
Laurent Voulzy « Belem » (Columbia/Sony Music). Disponible.
PS : Rendez-vous dans le prochain numéro de Muziq pour un (long) entretien avec Laurent Voulzy.
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