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Dans les coulisses du clip de « Thriller » avec John Landis

Michael Thriller

Pour Muziq, John Landis, réalisateur culte des Blues Brothers et du Loup-garou de Londres se remémore les coulisses du vidéoclip le plus célèbre de tous les temps. Ou comment un vieux fan des films de la Hammer a voulu « donner des couilles » à l’enfant gâté de la Motown.

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Michael Jackson et John Landis sur le plateau

Michael Jackson était très impressionné par la séquence de métamorphose du Loup-garou de Londres. Il voulait devenir un monstre à son tour. Je ne voulais pas tourner un clip rock, car pour moi, ce n’est souvent que de la publicité. Je me suis dit que je pouvais me servir de la notoriété de Michael pour tourner un court-métrage qu’on pourrait projeter en première partie du film, comme ça se passait dans le temps avec les Laurel et Hardy ou les Trois Stooges. Michael a été emballé par l’idée. Il a appelé Walter Yetnikoff, le patron de Columbia, et lui a demandé (imitant la voix fluette de MJ, ndr.) : « Walter ? John voudrait 500 000 dollars pour tourner un court-métrage basé sur « Thriller » » (rires). Michael m’a passé le téléphone et Yetnikoff m’a hurlé dans les oreilles « mais putain, pour qui vous vous prenez ! ». Comme les clips de « Beat It » et « Billie Jean » tournaient déjà sur MTV, CBS n’était pas vraiment intéressé. Mon partenaire George Folsey Jr. a alors eu l’idée de réaliser un making-of du tournage de « Thriller ». Comme ça, on pouvait vendre une heure de programme aux télévisions en ajoutant 45 minutes de documentaire au vidéo-clip. Entre nous, on l’appelait le making-of de Filler (le making-of du remplissage, ndr.). Le deal, c’est que notre film devait d’abord passer en salles, ensuite sur la chaîne câblée Showtime, puis sur MTV. Le résultat était plutôt sympathique. J’y avais glissé des extraits du Loup-garou de Londres et des images amateurs de Michael en train de danser à l’âge de sept ans qu’on avait récupéré chez ses parents.

 

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Avec Ola Ray (ancienne playmate)

Playboy
Quand j’ai écrit l’histoire du clip de « Thriller », je voulais aussi qu’il y ait une fille, parce que jusque-là, que ce soit avec les Jackson Five ou dans les clips de « Billie Jean » et « Beat It », on ne le voyait jamais avec une fille. Je voulais lui donner des couilles, je voulais qu’il y ait un peu de sexe. Je cherchais une fille sexy, douce, et j’ai été ébloui par Ola Ray lors du casting. Elle rend Michael sexy dans le clip. J’ai découvert plus tard qu’elle avait posé dans Playboy, mais je m’en foutais. À l’époque, Michael était témoin de Jéhovah. Ses proches lui ont expliqué qu’Ola avait posé nue dans le magazine. Par chance, Michael n’avait jamais entendu parler de Playboy (rires) !

 

 

Vincent Price

Vincent Price

Tarif syndical
C’était un projet terriblement excitant pour moi, car je pouvais allier mon amour des films d’horreur et celui de la musique. Surtout, j’ai pu rencontrer Vincent Price. Je lui ai donc demandé de revenir réciter son texte en studio. Il est venu, et c’était un homme charmant. Je lui ai tendu le texte et il l’a récité en une seule prise. La perfection totale. Je lui ai demandé ensuite s’il pouvait me faire un rire horrifique à la Vincent Price, ce qu’il fit et j’étais tout à fait ravi. Un an plus tard, je reçois un coup de téléphone et il me dit « John, ça m’embarrasse beaucoup de t’appeler, mais j’ai vraiment besoin de ton aide. » Je lui ai demandé ce qui se passait, et il m’a répondu : « On entend ma voix sur une des chansons les plus célèbres de tous les temps, et on ne m’a donné que 300 dollars. Qu’est-ce qui se passe ? ». J’ai donc appelé Quincy Jones et Michael, qui m’ont répondu que Vincent Price avait signé un contrat et qu’il avait été payé en fonction des tarifs syndicaux. J’ai mis au courant Vincent Price, qui m’a alors demandé s’il devait insister pour obtenir un peu plus d’argent. Je lui ai répondu que sa demande était légitime, mais que ça ne dépendait pas de moi. Il était très en colère, et Michael ne l’a jamais rappelé.

Plusieurs années passent… Un jour, je me rends au défunt Tower Records de Sunset Boulevard avec mon fils de dix ans pour acheter un album des Monty Python. Je marche dans les rayons quand j’entends un « John ! » provenant de l’autre extrémité du magasin. C’était Vincent Price. Cette scène se passait lors du premier scandale Jackson, qui s’était soldé par un arrangement à l’amiable avec la famille du gosse pour une somme incroyable. Il y avait environ 200 personnes dans le magasin, et tout le monde s’est tourné vers lui quand il a lancé d’une voix profonde et théâtrale : « que penses-tu de notre ami Michael ? ». J’ai répondu que j’espérais que cette affaire n’était pas vraie, et avec sa voix de Vincent Price, il a hurlé dans tout le magasin : « bien sûr, c’est MOI qu’il a baisé ! ».

Industrie vidéo
Je me suis fait avoir financièrement sur « Thriller », mais les répercussions du clip ont été sidérantes. Tout d’abord, il n’y avait pas d’artistes noirs sur MTV à l’époque. Walter Yetnikoff, le président de CBS, avait dit à MTV que s’ils ne diffusaient pas « Beat It » et « Billie Jean », CBS allait retirer tous les clips de ses artistes. Initialement, « Thriller » a été programmé en première partie de Fantasia à Los Angeles. Ces projections ont eu tellement de succès qu’au bout de quinze jours, Walter Yetnikoff l’a retiré de l’écran pour le diffuser sur Showtime. Trois jours plus tard, on pouvait voir « Thriller » sur MTV et dans la semaine qui a suivi, CBS a envoyé 25 000 copies gratuites aux chaînes de télévision du monde entier. Les ventes de l’album ont triplé plus d’un an et demi après sa sortie. Peu de temps après, je reçois un coup de téléphone du patron de la société vidéo Vestron. À l’époque, une cassette vidéo se vendait entre 80 et 100 dollars dans le commerce. Tout le monde avait l’habitude de les louer car elles coûtaient trop cher. Le type de Vestron a eu l’idée de mettre le making-of et le clip de « Thriller » sur une cassette. Je ne voyais pas l’intérêt, car on voyait « Thriller » tous les jours à la télévision pour rien. Vestron l’a vendue 24 dollars. Les gens pouvaient l’acheter au lieu de la louer, elle est devenue un énorme best-seller et c’est le point de départ de la vente de cassettes vidéo… Le plus amusant dans cette histoire qui a modifié l’industrie du clip, de la musique et de la vidéo, c’est qu’au départ, Michael Jackson voulait juste se transformer en monstre.

Propos recueillis par Christophe Geudin