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Jazz à Vienne : Trombone Shorty laisse Prince en coulisse

Samedi 8 juillet, c’était Tribute To Prince avec Juan Rozoff, Trombone Shorty et Larry Graham. Grâce à un concert de feu, le tromboniste néo-orléanais a fait basculer le public du Théâtre Antique dans une folie… princière.

Jazz à Vienne, un Théâtre Antique en transe

Jazz à Vienne, un Théâtre Antique en transe

C’est avec autant de gourmandise que Troy Andrews, alias Trombone Shorty, utilise son trombone à coulisse et sa trompette à piston. Pas de doute : il né avec ces deux instruments dans les mains. Ils sont le prolongement de son corps, ses armes de contagion fatale (au swing et au groove). Et il se montre aussi convaincant quand il chante Ain’t No Use des Meters par exemple, standard funky-seventies qu’aurait très bien pu jouer Prince lors d’une de ces nuits sans fin dont il avait le secret (nom de code : aftershow). Mais tandis qu’en première partie Juan Rozoff, « Le petit Prince français » (je cite), fit de son mieux pour rendre hommage à son héros en interprétant notamment quelques perles rares de son catalogue (Crystall Ball, Data Bank…) avec ce qu’il faut d’amour pour l’œuvre du cher disparu, Trombone Shorty, lui, ignora superbement le fil rouge – ou violet, ou mauve, enfin purple quoi – de la soirée pour rester lui-même à 100, à 1000 %. Ce qui n’aurait certainement pas déplu à Prince, qui encourageait souvent ses pairs à cultiver leur singularité.

En donnant un concert qui risque de rester dans les mémoires, Trombone Shorty a vraiment rendu le plus bel hommage qu’on pouvait rendre à Prince, sans jamais relâcher la pression, qui alla crescendo jusqu’aux dernières notes. On dira : il n’y va pas de main morte, ni avec le dos de la cuillère, mais cette générosité, cette énergie, ce charisme et ce bonheur de jouer qui se lit sur son visage emportent tout. Le jour où ce jeune homme se décidera à faire des disques aussi réussis que ses concerts, il sera sur le toit du monde.
En attendant, son mélange de riffs hard-blues et d’héritage néo-orléanais comme dynamité de l’intérieur nous a fait revivre sans une once de nostalgie la folie de quelques beautiful nights d’antan, lovée 4 ever dans la mémoire des admirateurs de Prince, époque Bercy, Zénith et autres salles king size des grandes métroples.
Entre deux soli pétéradants, on n’est pas près d’oublier ce spectaculaire numéro de respiration circulaire à la trompette, dont il sortit sonné comme un boxeur, un genou à terre, le souffle coupé, face au public.

Tout le monde sur scène pour le grand final

Tout le monde sur scène pour le grand final

Passé cette brûlante célébration du jazz, du rock et du funk mêlés, le concert de Larry Graham & Graham Central Station pouvait difficilement faire monter la température plus haut. Elle ne pouvait même que retomber, malgré le passé plus-que-prestigieux et l’immense savoir-faire du grand bassiste, hélas pas dans un grand soir, et accueilli somme toute timidement par un public qui, il est vrai, venait à peine de se remettre de ses émotions.
Medley mal ficelé des classiques de Graham Central Station en ouverture, reprises prévisibles de Sly & The Family Stone (groupe au sein duquel Larry Graham grava dans le marbre quelques divins commandements de la basse électrique) et version un rien cafardeuse de Purple Rain, gâchée par les vocalises d’une chanteuse noyée dans la réverb’, mais sauvée in extremis par un final euphorisant où la communion l’emporta.
Mais il était de plus en plus tard, le Théâtre Antique commençait de se vider et l’ambiance de sérieusement retomber. L’apparition de Marco Prince n’y avait rien changé. Sans doute n’aurait-il pas dû se piquer de jouer du trombone… Mais à sa décharge, il est arrivé au dernier moment, sans pouvoir assister au triomphe de Trombone Shorty. Avant lui, Jeanne Added, dansante pile électrique toute de blanc vêtue (comme son leader du soir), avait tout donné, choisissant d’enchaîner courageusement I Would Die 4 U et Baby I’m A Star, reprises princières à haut-risque, tant les versions originales sont ancrées dans la mémoire collective. Vu le contexte, l’émotion était évidemment moins palpable que lors de ses concerts en mode intimiste, seule à la basse électrique ou accompagnée par le pianiste Bruno Ruder***. C’est là, mieux que partout ailleurs, qu’elle arrive à donner à d’autres chansons princières comme Little Red CorvetteForever In My Life ou The Ladder des airs de douce éternité. •

*** Ou, encore, en duo a cappella avec Thomas de Pourquery, comme dans le beau film de Thierry Guedj, Mon Prince est parti, qu’on a pris plaisir à revoir dans l’après-midi au cinéma Les Amphis.