L’an dernier, Steve Vai publiait “Modern Primitive”, recueil de pépites inédites gravées dans la deuxième moitié des années 1980 et retravaillées par ses soins. A l’occasion de sa ressortie le 28 juillet (sans être couplé cette fois avec l’édition “25th Anniversary” de “Passion And Warfare”), l’ex-guitariste acrobate de Frank Zappa et virtuose volant chez Alcatrazz, David Lee Roth et Whitesnake a bien voulu répondre à nos questions.
MUZIQ.FR Commençons par le commencement, Bop !, qui ouvre “Modern Primitive”. A l’évidence, ce morceau reflète votre amour du jazz et votre capacité à swinguer. d’où vient votre culture jazz ?
STEVE VAI Quand j’étais encore teenager, outre celles avec Joe Satriani, je prenais des leçons avec un certain Joe Bell. Il était vraiment bon. Quand je me suis inscrit à la Berklee School, tout tournait autour du jazz. J’aime le jazz, mais je ne me suis jamais senti obligé d’en jouer de manière authentique. J’ai beaucoup emprunté à cette musique, notamment en termes d’infrastructure et de théorie musicale. Mais je me suis toujours dit que si je devais faire quelque chose d’orienté jazz, j’ajouterais quelque chose de particulier, d’inattendu. Bop ! a évidemment un côté jazz. J’ai enregistré ce titre il y a près de trente ans, sur l’une des premières guitares synthétiseurs Roland. Elles avaient un patch appelé Jazz Scat avec des samples de voix humaine que l’on pouvait déclencher selon la vélocité avec laquelle on jouait certaines notes. Je me souviens avoir branché une simple boîte à rythmes et improvisé la partie principale de “scat vocal” à la guitare. Je sentais qu’il y avait un grand potentiel de créativité en jouant ainsi, quelque chose d’unique, mais j’ai malgré tout laissé ce morceau reposer dans mes archives, en grande partie inachevé. Quand j’ai travaillé sur la sélection des titres pour “Modern Primitive”, j’ai ressorti Bop ! de mes étagères pour retravailler dessus. J’adore tout ce que ce morceau me fait ressentir. Il a un caractère unique – ce que je recherche constamment dans ma musique.
A propos de jazz, quels sont les guitaristes de jazz qui vous ont le plus influencé ?
Gamin, j’étais un grand fan de Joe Pass, mais aussi de Ted Green, Wes Montgomery, George Benson, Pat Martino, Lenny Breau, Django, et dans la catégorie fusion Al Di Meola, John McLaughlin, Mike Stern et, au sommet, plus haut que tous les autres, Allan Holdsworth.
Que reste-t-il de vos années Frank Zappa dans la musique que vous jouez aujourd’hui ?
Je pense que les gens qui écoutent ce que je joue aujourd’hui doivent entendre l’influence de Zappa… s’ils sont fans de Zappa. Frank faisait un genre très singulier de musique, puisant son inspiration à de nombreuses sources pour créer son propre style, que j’adorais. Mais j’ai aussi des fans qui ne sont pas du tout familiers avec l’œuvre de Frank Zappa, et si cette interview peut les pousser à écouter son vaste catalogue personnel, tant mieux. C’est un vrai trésor. Cela dit, je ne pense pas que ça soit si important que tout le monde connaisse les influences des artistes qu’ils admirent. On peut aussi écouter de la musique juste pour le plaisir, sans nécessairement tout savoir. De toute façon, on doit toujours quelques chose à ceux qui nous ont précédés.
Avec “Modern Primitive”, vous êtes revenu vers le passé, votre passé, et d’une certaine manière vous l’avez réinventé, trouvé une nouvelle perspective, donné un feeling moderne à des titres anciens. Comment le Steve Vai de cinquante-six ans juge le Steve Vai de vingt-cinq ans ?
Quand j’ai commencé à retravailler sur la musique que j’avais écrite en partie pour “Modern Primitive” à l’âge de vingt-trois ans, le Steve Vai de cinquante-six ans était somme toute impresionné par le courage et la passion de ce jeune Steve Vai. Il y a des attitudes et des approches qui me suivent depuis le début de ma carrière. Je ne pense pas que j’ajoute plus ou moins quand je me lance dans un nouveau projet. Je cherche juste des choses intéressantes et excitantes. Il fut un temps où j’enregistrais de la musique en espérant vaguement attirer l’attention d’un public plus large, mais cela ne me satisfait plus désormais. Alors, comme quand j’étais jeune, je fais juste ce qui me procure du plaisir.
Lights Are On est un morceau vraiment fou. Du pur Steve Vai. Comment le public réagissait-il quand vous le jouiez sur scène au début des années 1980 ?
Ce morceau est né d’un devoir en classe d’harmonie qui s’appelait Printed Spirit. Tout à fait le genre de musique qu’on jouait à la Berklee School à la fin des années 1970. C’est très “fusionnesque”, et j’ai plein d’autres morceaux de cette période dans une veine relativement similaire. Quant à la Part III de Pink And Blows Over, quand je joue le solo qui suit les accords, c’est ce qui se rapproche le plus du jazz de toute ma discographie, mais ça ne sonne pas si jazz, avec toute cette distortion, mais j’adorais me lâcher sur ce genre d’accords à cette époque…
Un souhait pour finir : j’aimerais beaucoup que vous enregistriez un disque en guitare solo, électrique et acoustique…
O.k., je ferai ça prochaine fois ! •
CD “Modern Primitive” (Epic / Sony Music, sortie le 28/7)
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