Il avait succédé à Jaco Pastorius dans Weather Report et publié en 1989 un premier album solo très attachant. Victor Bailey est mort le 11 novembre après un long combat contre la maladie de Charcot, dont il se faisait courageusement l’écho sur les réseaux sociaux.
Rendez-vous compte : remplacer Jaco Pastorius dans Weather Report ! Il fallait du cran et, surtout, beaucoup de talent. Ça tombait bien : Victor Bailey en avait à revendre, et dès les premières secondes de Procession, dans l’album du même nom – très grand cru à (re)découvrir d’urgence –, on sut que le groupe de Joe Zawinul et Wayne Shorter avait trouvé celui qui allait leur permettre de continuer d’aller de l’avant. Comme (presque) tous les bassistes de sa génération – il avait 16 ans quand le premier album du génie floridien paru… –, Victor Bailey avait du Jaco en lui, mais aussi un bagage résolument funky, à l’image d’un Marcus Miller ou d’un Tom Barney.
De 1983 à 1986, de “Procession” à “This Is This” en passant par “Domino Theory” et “Sportin’ Life”, ce natif de Philadelphie a formé avec Omar Hakim (puis brièvement avec Peter Erskine dans “This Is This”) une section rythmique qui a magnifiquement porté la musique toujours changeante du Bulletin Météo.
En 1989, après avoir signé un contrat d’enregistrement pour le label Atlantic Jazz, qui donnait alors la part belle aux nouvelles stars du jazz électrique, Victor Bailey a publié “Bottom’s Up”, un album qui reflétait ses amours jazz, funk, soul et pop. À cette fête des sens, il avait convié, entre autres, Michael Brecker, Wayne Krantz, Marcus Miller, Terence Blanchard, Richard Tee, Jim Beard, Dennis Chambers, Jeff Watts et Mino Cinelu. Le saxophoniste Bill Evans était aussi de la partie, qui convia dans la foulée Victor Bailey à remplacer un autre “monstre” de la basse électrique (Darryl Jones) dans son groupe. Résultat : “The Gambler – Bill Evans Live at Blue Note Tokyo 2”, un disque mémorable dont les connaisseurs savent la valeur, et qui contient notamment une relecture de Kid Logic, la groovyssime signature song de Victor Bailey – dans la version originale, qui ouvrait “Bottom’s Up”, Michael Brecker signait un solo comme il en avait le secret.
En 1995, Victor Bailey a également contribué à “Vibe” de Steps Ahead, et son association avec le batteur Clarence Penn donna un sacré coup de fouet au combo protéiforme de Mike Mainieri (d’autant que le saxophoniste présent était alors un certain Donny McCaslin…), avec lequel il avait déjà tourné plusieurs fois. Sa subtile musicalité, sa sonorité sensuelle et profonde et bien sûr son groove font plaisir à entendre dans Miles Away, Buzz et Vibe.
Autant de disques qui nous permettront, longtemps encore, de goûter les talents de ce bassiste qui, hélas, a fini par succomber à la terrible maladie de Charcot hier… •
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