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Yardbirds ’68 : retour vers le futur (de Led Zeppelin)

Il y avait une vie avant Led Zeppelin, et avec “Yardbirds ’68” Jimmy Page nous rappelle à son bon souvenir en direct du Anderson Theatre de New York et grâce à huit inédits studio…

YARDBIRDS Livret I

Le 30 mars 1968, les Yarbirds jouent pour la dernière fois à New York. Les rumeurs de séparation du groupe vont bon train, et si sa cote d’amour est encore assez élevée au pays de l’Oncle Sam, elle est en chute libre dans son Angleterre natale. Eric Clapton, leur premier guitariste, triomphe avec Cream. Jeff Beck, qui avait succédé à Clapton et formé une doublette éphémère avec Jimmy Page, est sur le point de publier “Truth” et de marquer l’histoire du rock briton aux côtés de Rod “The Mod” Stewart. Dès lors, une certaine lassitude gagne les rangs des Yardbirds, et malgré tous leurs efforts pour tenter de se réinventer, Keith Relf, Chris Deja et Jim McCarthy finiront par jeter l’éponge trois mois plus tard. Mais pas Jimmy Page qui, seul aux commandes, pilotera des New Yardbirds qui finiront par connaître un succès planétaire sous le nom de… (Vous connaissez la suite.)

En cette soirée printanière au cœur du Lower East Side, les Yardbirds sont cependant à l’affiche de l’Anderson Theater, qu’ils partagent avec deux opening acts, The Rich Kids et The Bagatelles. D’où la brièveté des deux concerts enchaînés – moins de quarante-cinq minutes – et l’absence, par exemple, d’Happening Ten Years Time Ago dans la set list. Enregistrés à la hussarde sur un magnétophone deux pistes Grundig déjà vintage à l’époque, ces deux performances furent édités non moins hâtivement pour, in fine, prendre la poussière sur les étagères de quelque vault fermé à double tour.

YARDBIRDS Pochette Live

En septembre 1971, surfant avec un rien de cynisme marchand sur la vague, pardon, le tsunami Led Zeppelin, Epic publie le 33-tours “Live Yardbirds – Featuring Jimmy Page”. Problème : la prise de son est horrible, et pour donner l’impression que les Yarbirds se produisaient non pas à l’Anderson Theater mais au Yankee Stadium (au moins), des bruits de foule en délire sont tartinés à la hâte sur les bandes originales. Et l’on ne parle même pas du mixage : c’était quoi la marque de la truelle les gars ? Bref, Jimmy Page est furax, d’autant plus qu’il ne peut s’opposer à la sortie du disque. Pour autant, “Live Yardbirds – Featuring Jimmy Page” disparaîtra vite des radars, et ne sera jamais réédité (officiellement) en CD.

YARDBIRDS Pochette

Mais grâce au double album “Yardbirds ’68”, les deux gigs de l’Anderson Theater ressurgissent du néant sonique. Car le Grand Archiviste Jimmy Page, tout en faisant le tri dans sa collection de bandes personnelles – imaginez un peu… – a non seulement retrouvé des enregistrements live dignes de ce nom, mais aussi huit inédits studio ! (Il va sans dire que Chris Deja, Jim McCarthy et les ayants-droit de feu Keith Relf ont approuvé la parution de ces précieux documents.)

Ainsi redécouvre-t-on des versions somme toute très réussies de The Train Kept A Rollin’ (rebaptisé Stroll On dans la BO de Blow-Up), Over Under Sideways Down (o.k., l’ami Keith s’égosille un brin, mais il reste digne) ou encore Shapes Of Things. Les titre étirés façon extended jam sont encore plus excitants, tels Mr, You’re A Better Man Than I, I’m A Man / Moanin’ And Sobbin’, où l’harmonica de Keith Relf se crêpe joliment le chignon avec la guitare on fire de Jimmy Page – mazette, ce solo proto-metal dans Mr, You’re A Better Man Than I ! Et ces giclées wah wah !
Et puis, cherry on the cake, il y a White Summer, l’instru-showcase psyché-world-folk de Page, et, last but not least, Dazed And Confused, qu’on n’avait jamais entendu sur disque avec un aussi bon son – interprétée par les Yardbirds je veux dire… Led Zeppelin n’est pas encore né que son fantôme rôde déjà !

YARDBIRDS Livret II

Quant aux huit inédits studio, ils ont beau n’être, selon Page, que des work in progress, ils forment un companion disc essentiel et préfigurent l’ultime album des Yardbirds (qui ne verra jamais le jour). Mention au teigneux Avron Knows (Page toutes griffes dehors préfigure les folies électriques de Communication Breakdown), à Spanish Blood, étonnante digression “flamenco-folk” featuring Keith Relf en mode spoken word, et plus encore à Knowing That I’m Losing You, qui n’est ni plus ni moins que la première version (instrumentale) du futur standard bucolique de “Led Zeppelin III”, Tangerine.

Merci, Tonton Jimmy, pour ce beau travail éditorial. Merci pour le beau livret richement illustré (bon, le graphiste s’est un peu fait plaisir au détriment du confort de lecture, mais ce n’est pas trop grave). Au fait, l’an prochain, Led Zeppelin fêtera son cinquantenaire, et vous imaginez bien qu’on vous attends au tournant… Cela dit, “Yardbirds ’68” nous fait fort agréablement patienter. •

CD/LP “Yardbirds ’68” (JimmyPage.com)
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YARDBIRDS Jimmy Page 2017