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Afshin Shahidi : “Prince rendait mes idées encore meilleures”

Beaucoup de livre ont paru depuis la mort de Prince, mais celui du photographe Afshin Shahidi, Prince – A Private View, se distingue par l’exceptionnelle qualité des images et, surtout, par l’émotion qui s’en dégage. Il a bien voulu répondre aux questions de muziq.fr.

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Afshin Shahidi a été le photographe officiel de Prince entre 2002 et 2011. Parenthèse enchantée sur laquelle il revient à travers plus de 250 photos dans son magnifique livre, assorti de commentaires et d’anecdotes qui en disent long sur celui qui fut – et restera toujours – son boss, son héros, l’artiste qui a changé sa vie.

Frédéric Goaty : Que préfériez-vous faire avec Prince : des portraits ou des photos live ?
Afshin Shahdi :
Des portraits, parce que j’étais plus impliqué dans la création et le contrôle des images. Evidemment, j’adorais tout autant le photographier live, mais j’étais si souvent fasciné par son jeu que je devais constamment me souvenir d’appuyer sur le bouton pour prendre une photo… Mes moments préférés sont ceux où il était relax, et quand nous pouvions prendre tout notre temps. Pour moi, c’était une démarche plus journalistique, et c’était là, je pense, qu’on voyait des facettes de Prince jamais vues par ailleurs.

Quand vous le faisiez poser, vous faisait-il des suggestions ?
La plupart des idées venaient de moi, mais il tenait à collaborer, et il rendait mes idées encore meilleures. Je choisissais l’endroit et la lumière, et lui choisissait sa garde-robe. Je n’avais pas non plus besoin de lui dire comment poser. Il était toujours partant pour essayer des choses nouvelles. On partait en voiture, et dès que je voyais un endroit intéressant, on se garait, il sortait de la voiture, et on prenait quelques photos. Puis il se remettait au volant, et on redémarrait. Parfois, il faisait référence à des peintures ou à des photos anciennes, mais jamais pour les copier, juste pour l’inspiration…

© Afshin Shahidi, extrait de “Prince - A Private View”

© Afshin Shahidi, extrait de “Prince – A Private View”

Dans votre livre, vous parlez du côté farceur de Prince…
Prince était sérieux quand il avait besoin de l’être, mais il avait définitivement un côté drôle. Il aimait rire et faire rire les autres. Il ne racontait pas spécialement des blagues, mais grâce à son sens de l’observation très aiguisé, il faisait plutôt du stand up, il racontait des histoires, faisait des voix, imitait des gens… Il aimait aussi me faire des farces quand je prenais des photos de lui. Profitant de la seconde où je me baissais pour poser mon œil sur l’objectif, il se cachait, et je l’entendais rire de derrière un spot…

Prince vivait-il dans un autre monde ?
Il avait ses propres règles de vie. C’est vrai, il était excentrique de temps à autre, mais je pense qu’il savait qu’il était comme ça. Il adorait bien s’habiller, être toujours impeccable, et par conséquent je ressentais moi aussi le besoin de l’être, car d’une certaine manière je le représentais quand on travaillait.

Votre chanson favorite de Prince ?
C’est vraiment trop difficile de choisir, et je suis sûr que vous êtes d’accord avec moi. Je reviens souvent vers les chansons qui m’ont fait aimer Prince, celles de l’époque de “1999” qui, dans la foulée, m’avaient emmené vers “Controversy” et “Dirty Mind”. Sans vouloir donner l’impresion de botter en touche, ma chanson favorite de Prince est celle que j’écoute en ce moment, et surtout celle qui me donnera envie d’en écouter une autre. Cela dit, Controversy est vraiment l’une de mes favorites…

J’imagine que vous avez souvent pu écouter des chansons inédites de Prince…
La première fois que je l’ai rencontré pour le photographier, il était en train de mixer une chanson que je n’avais jamais entendue auparavant – ni depuis. C’était une chanson lente, mais funky, et comme je le dis dans mon livre, elle parlait de désir. Elle me rappelait à la fois Do Me Baby et Free.

Parmi les centaines de concerts auxquels vous avez assisté, quels sont ceux qui vous ont le plus marqué ?
Les aftershows, et celui du Bataclan notamment. Les fans de Prince sont les plus passionnés qui soient, et Prince adorait ses fans. Alors, sur scène, il ne trichait pas. J’adorais ça, et j’adorais être à Paris avec Prince.

Paris, Le Bataclan, tard dans la nuit du 29 octobre 2002... © Afshin Shahidi, extrait de “Prince - A Private View”

Paris, Le Bataclan, tard dans la nuit du 29 octobre 2002… © Afshin Shahidi, extrait de “Prince – A Private View”

Page 206, dans votre livre, on voit Stevie Wonder jouer du clavier. Prince est juste derrière lui…
Prince était très respectueux envers Stevie et prenait vraiment un immense plaisir à passer du temps avec lui, et plus encore à faire de la musique avec lui. Prince voyait Stevie comme un aîné, quelqu’un de très important. Il avait énormément d’estime pour lui.

Et dans la page suivante, Prince est assis sur un canapé avec Joni Mitchell…
Prince et Joni Mitchell avaient beaucoup de respect et d’admiration l’un pour l’autre. Et c’était vraiment fascinant de voir Prince être si fan… Ils parlaient de musique, de billard, de tout et de rien. Ils étaient comme deux vieux amis qui avaient traversé beaucoup de choses ensemble.

Comment avez-vous appris sa mort ?
C’est toujours très douloureux d’y penser… J’étais chez moi, à Los Angeles, et j’ai appris la nouvelle par un ami de Minneapolis juste avant qu’elle ne soit annoncée officiellement. Mais je préfère penser à la vie, pas à sa mort. •

LIVRE Prince – A Private View, par Afshin Shahidi, préface de Beyoncé Knowles-Carter (St. Martin’s Press, 240 pages, 35 €)