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Alphonse Mouzon, les glorieuses seventies

Les années 1970 furent la décennie royale du regretté batteur qui vient de nous quitter à soixante-huit ans. Tour de piste(s) en forme d’hommage.

New York, 1967. Sur Broadway, on joue Promises, Promises, une nouvelle comédie musicale (paroles et musique, Hal David et Burt Bacharach) adaptée de la comédie sentimentale de Billy Wilder, The Appartment (La Garçonnière). Dans la fosse de l’orchestre, Alphonse Mouzon, un jeune batteur natif de… Charleston (!) fait ses débuts professionnels dans la ville qui ne dort jamais.

À peine deux ans plus tard, le jeune Alphonse joue à l’Apollo de Harlem avec Eugene McDaniels. Il forme la section rythmique du grand singer songwriter avec un jeune bassiste tchécolovaque, Miroslav Vitous. McDaniels partage l’affiche avec le groupe de Cannonball Adderley, dont Joe Zawinul est le pianiste. Début 1971, Vitous, Zawinul et Wayne Shorter, qui l’avait invité à jouer sur “Odyssey Of Iska”, n’hésiteront pas longtemps avant de proposer à ce young cat le poste de batteur de leur nouveau groupe, Weather Report. Alphonse Mouzon ne le sait pas encore, mais il est le premier d’une prestigieuse lignée de batteurs, qui se succèderont au sein de ce groupe au personnel aussi changeant que le temps. Il rend cependant très vite son tablier, estimant que les trois autres ne lui laissaient pas suffisamment de place pour s’exprimer, et que la paye était somme toute assez modeste…

La même année, Alphonse Mouzon enregistre – toujours en compagnie de Miroslav Vitous – le brûlot soul d’Eugene McDaniels, “Headless Heroes Of The Apocalypse”. Le groove de Jagger The Dagger sera samplé vingt ans plus tard par A Tribe Called Quest dans leur leur premier album, “People’s Instinctive Travels And The Paths Of Rhythm”

Entre 1972 et 1973, Alphonse Mouzon fait partie du groupe de McCoy Tyner. Il enregistre quatre albums avec l’ex-pianiste du quartette de John Coltrane, ce qui restera l’un de ses grands fiertés. À la même époque débute sa carrière solo avec “The Essence Of Mystery”, son premier 33-tours Blue Note, qu’il compose et arrange intégralement. Est-ce parce qu’il fut longtemps difficile à trouver et que sa pochette est moins flashy que celle de son album suivant, le super-punchy “Funky Snakefoot”, que “The Essence Of Mystery” est un rien sous-estimé ? Mouzon s’y essaye au chant (il n’a pas tort), et joue aussi des claviers.

Puis, en 1974, Larry Coryell l’invite à rejoindre The Eleventh House. Mouzon place quelques-unes de ses compositions, dont A Funky Waltz, classique jazz-rock s’il en est, featuring Randy Brecker à la trompette (A Funky Waltz préfigure l’esthétique des premiers disques des Brecker Brothers).

Tout en continuant de jouer avec The Eleventh House, Alphonse Mouzon continue de publier des albums sous son nom. 1975 est l’année de “Mind Transplant”, pour lequel il recrute en prioritél’un des guitar heroes les plus hot du moment, Tommy Bolin, qui venait de graver quelques solos historiques sur “Spectrum” de Billy Cobham (dont “Mind Transplant” cherche, parfois avec certain succès, à retrouver un peu de la magie). Deux autres maîtres de la six-cordes sont également conviés : Lee Ritenour et Jay Graydon.

1976 : Alphonse Mouzon joue sur la Suite – Golden Dawn qui occupe presque toute la face b de “Land Of Midnight Sun”, le premier album de l’ex-guitariste de Return To Forever, Al Di Meola. À la basse électrique, le nouveau prodige Jaco Pastorius, que Mouzon retrouvera quelques mois plus tard à Berlin pour enregistrer un album live en trio avec le tromboniste allemand Albert Mangelsdorff.

Joachim Ernst Berendt, le producteur du concert, permettra à Mouzon d’enregistrer un an plus tard un nouvel album studio pour MPS, “In Search Of A Dream”, où notre batteur était entouré, entre autres, de Joachim Kühn (qui venait de le convier à jouer sur l’excellent “Hip Elegy”), de Philip Catherine et de Miroslav Vitous.

Enfin, la formidable épopée seventies du regretté Alphonse Mouzon se termine avec “Directstep” d’Herbie Hancock, enregistré au Japon fin 1978. Le maître des claviers y revisitait trois de ses standards jazz-funk : Butterfly, Shiftless Shuffle et I Thought It Was You.

En bouquet final, petite incartade dans les années 1980 avec l’un des albums les plus remarquables – et inattendus – auxquels Alphonse Mouzon ait contribué, “Molde Concert” du contrebassiste norvégien Arild Andersen, avec Bill Frisell à la guitare et John Taylor au piano. •

SÉLECTION 

Alphonse Mouzon
“The Essence Of Mystery” (Blue Note, 1972)
“Funky Snakefoot” (Blue Note, 1973)
“Mind Transplant” (Blue Note, 1975)
“The Man Incognito” (Blue Note, 1976)
“In Search Of A Dream” (MPS, 1977)
“By All Means” (MPS, 1981)

Avec Wayne Shorter
“Odyssey Of Iska” (Blue Note, 1970)

Avec Weather Report
“Weather Report” (Columbia, 1971)

Avec Eugene McDaniels
“ Headless Heroes Of The Apocalypse” (Atlantic, 1971)

 Avec McCoy Tyner
“Sahara” (Milestone, 1972)
“Song Of The New World” (Milestone, 1972)
“Enlightenment” (Milestone, 1973)
“Song For My Lady” (Milestone, 1973)

Avec Larry Coryell & The Eleventh House
“Introducing Eleventh House With Larry Coryell” (Vanguard, 1974)
“At Montreux” (Vanguard, 1974)
“Level One” (RCA, 1975)

Avec Joachim Kühn
“Hip Elegy” (MPS, 1975)

Avec Albert Mangelsdorff et Jaco Pastorius
“Trilogue – Live !” (MPS, 1976)

Coryell / Mouzon
“Back Together Again” (Atlantic, 1977)

Avec Herbie Hancock
“Directstep” (Sony Records, 1979)
“Mr. Hands” (Columbia, 1980)

Avec Arild Andersen
“Molde Concert” (ECM, 1981)