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Miroslav Vitous, alias “The Bass”

Paru à l’origine en 1972 et réédité pour la première fois en CD, “The Bass” est la version allemande de “Mountain In The Clouds”, qui lui-même était la version remixée – et augmentée d’un titre – d’“Infinite Search”, le premier 33-tours de Miroslav Vitous.

Fin 1969, Miroslav Vitous a 22 ans et jouit d’une réputation flatteuse. Ce jeune contrebassiste tchécoslovaque a fait quelques remplacements dans le fantastique Quintet de Miles Davis et enregistré “Now He Sings, Now He Sobs” avec Chick Corea et Roy Haynes. Le label Embryo Records lui permet de réunir un impressionnant casting de musiciens pour ses débuts en tant que leader. Qu’on en juge : en ce mois de novembre 69, aux A&R Studios de New York, Joe Henderson est au saxophone ténor (Vitous avait d’abord pensé convier Wayne Shorter, mais celui-ci se consacrait alors exclusivement au Quintet de Miles ou à ses propres disques), John McLaughlin à la guitare électrique, Herbie Hancock au piano électrique et Jack DeJohnette à la batterie. Excusez du peu.

VITOUS Pochette“The Bass” est tout simplement l’un des grands classiques “discrets” – mésestimés ? – de la fin des années 1960, fascinante époque de transition et de mutation. Quelques mois plus tôt, Miles Davis venait de pointer de nouvelles directions in music, que le monde allait découvrir en 1970 sous la forme de “Bitches Brew”. A côté de ce double album révolutionnaire, “Infinite Search” (la première version de “The Bass” donc) semblait déjà relever d’un autre temps. Mais l’écouter aujourd’hui révèle au contraire toute sa force créative et son originalité. Cette musique se situait dans la droite lignée du Quintet de Miles featuring Wayne Shorter, Herbie Hancock, Ron Carter et Tony Williams. Elle faisait fructifier une esthétique que le trompettiste avait choisi de faire en quelque sorte voler en éclats pendant les séances historiques de “Bitches Brew” (sans parler de celles de d’“In A Silent Way”, début 69).
Moins révolutionnaire qu’“évolutionnaire”, la musique de “The Bass” fait écho au Miles des années 66-68 via, notamment, la fantastique reprise de Freedom Jazz Dance, génial thème d’Eddie Harris transfiguré par le trompettiste dans “Miles Smiles”. Mais elle flirte tout autant avec un futur à la fois lumineux et convulsif : on “entend” déjà un peu, beaucoup, passionnément quelque chose des premiers disques de Weather Report dans “The Bass” (Cerecka, I Will Tell Him On You…). Et on goûte, bien sûr, la sonorité sensuelle et puissante d’un contrebassiste hors-normes.
Cet album n’a de plus jamais été aussi bien réédité, et les liner notes de Charles Waring sont, comme de coutume, méticuleuses et riches en anecdotes. •

CD “The Bass” (BGO Records / Import Angleterre)