Jusqu’au vendredi 29 novembre, muziq.fr vous fait découvrir les vingt-quatre titres inédits de la réédition “Super Deluxe” du chef-d’œuvre de Prince, “1999”. Aujourd’hui : How Come U Don’t Call Me Anymore ? (Take 2).
« Whenever you’re ready… »
C’est sur le maxi 45-tours de 1999 que l’on découvrit naguère la version originale de How Come U Don’t Call Me Anymore ?, cultissime face b que Stephanie Mills réenregistra dès 1983 pour la placer en ouverture de son huitième album, “Merciless”. Excellente reprise au demeurant, avec chœurs gospellisants, claviers, basse, batterie et section de cuivres.
Seize ans plus tard, Alicia Keys enregistrait sa propre version, rebaptiséé How Come U Don’t Call Me, arrangée par ses soins et propulsée par un beat métronomique qui lui donnait des atours plus “urbains”. How Come U Don’t Call Me fut l’un des singles extraits de son premier album, “Songs in A minor”, mais il marqua moins les esprits que Fallin’ (que Prince a chanté plusieurs fois sur scène en l’incluant dans un medley avec The Question Of U et The One…).
En 2001, Bilal gravait à son tour la sienne, inclue dans le CD single de Fast Lane. Des claquements de doigts, deux pianos – un électrique, un acoustique –, et rien d’autre. De par sa nudité instrumentale, ce How Come U Don’t Call Me Anymore ? bilalien n’est pas seulement une cover version : c’est un hommage. Bilal aurait cherché à être adoubé par son Prince qu’il ne s’y serait pas pris autrement. Car pour couronner le tout, son phrasé, son timbre, sa capacité à atteindre des notes hautes en couleur (dominante black, brown and beige comme disait Duke Ellington) et ses brusques montées dans les décibels façon bébé hurleur évoquent furieusement son modèle.
Mais au-delà des indéniables qualités de ces trois reprises, il faut raison garder et se rendre à l’évidence : le Purple Boss est insurpassable – mais qui en doutait ?
How Come U Don’t Call Me Anymore ? par Prince, c’est l’irresisitible pitch : un piano d’église, un pied qui bat la chamade, une voix d’ange et des désirs de diablotin ;
How Come U Don’t Call Me Anymore ? par Prince, c’est la magie des faces b, des faces cachées, des chansons rien que pour soi, pour elle, pour lui, pour nous ;
How Come U Don’t Call Me Anymore ? par Prince, c’est une chanson pour mixtape d’amour – « Tu vas voir, y’en a forcément une que tu connais pas… » ;
How Come U Don’t Call Me Anymore ? par Prince, je l’ai écouté 1457 fois, au moins, et dès la première je savais qu’elle m’accompagnerai forever in my life. Comme vous non ?
« Bon alors, Fred, elle est comment cette Take 2 ? Vraiment différente de celle qu’on connaît par cœur ? Plus longue ? Oui ?! Genre, quoi, dix minutes, vingt minutes, trente minutes ? »
Oui les ami.e.s, cette seconde prise de How Come U Don’t Call Me Anymore ? est « vraiment différente de celle qu’on connaît par cœur ». Elle ne dure “que” six minutes et quelques secondes, mais elle a des parfums d’éternité.
D’abord, il y a ce doux « Whenever you’re ready » en guise de top départ à l’ingé son. Attention, it’s rolling, ça tourne… Puis il y a ce piano, plus habité encore que dans la version originale. (Et superbement enregistré qui plus est.) Ces puissants accords churchy, Prince les joue avec un cœur gros comme ça. Ses doigts de fée sont comme les petits marteaux des Dieux, ils frappent en cadence, dansent sur le clavier et entrent en fusion avec les touches d’ivoire et d’ébène, ces noires et ces blanches qui disent toute une histoire : celle de son peuple – « That’s what I’m talkin’ about » lâche-t-il en s’éloignant quelques secondes du micro.
Prince implore sa douce, mais elle boude, elle a le toupet de ne pas le rappeller… How come ? Alors il insiste, fait son numéro – à tous les sens du terme – tandis qu’elle fait mine d’avoir oublié le sien. En usant à merveille de son plus beau falsetto, Prince transcende le gospel et la soul, comme si l’aube du septième jour c’était tous les jours – et toutes les nuits.
[Ray Charles aurait pu, Ray Charles aurait dû ajouter How Come U Don’t Call Me Anymore ? à son répertoire.]
Quand Prince se met à chanter « just one lousy dime baby, why don’t you call me sometime… », on bascule subitement dans l’hyper-émotion. (Attention Jeanne, tes yeux vont rougir, comme ceux d’Hélène.) Il nous hantera longtemps, ce déchirant whyyyyyyyyyyy [must you torture me] étiré à cœur et à cri, comme si c’était le dernier.
Seulement voilà : it ain’t over.
Car il nous faut parler des dernières secondes de How Come U Don’t Call Me Anymore ?. [ATTENTION SPOILER] D’abord, ce « sometiiiiime » plaintif et doux, d’où se détache un murmure en chanté, bouche fermée. Bouleversant.
Puis trois secondes de silence et
enfin
quelques notes,
les dernières,
comme une fin rêvée,
comme
quelque chose
qui tombe du ciel.
Séchez vos larmes. How Come You Don’t Call Me Anymore ? (Take 2) vient d’entrer votre panthéon violet.
Rendez-vous demain avec Possessed (1982 Version).
COFFRET Prince : “1999 Super Deluxe” (NPG Records / Warner Music, sortie le 29 novembre).
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