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Prince, visite guidée du Vault de “1999”, Part 5

Prince 1999 Pochette

Jusqu’au vendredi 29 novembre, muziq.fr vous fait découvrir les vingt-quatre titres inédits de la réédition “Super Deluxe” du chef-d’œuvre de Prince, “1999”. Aujourd’hui : Rearrange.

« Rearrange your mind / Man you got 2 B drunk / Rearrange your brain / Loosen up your hair
/ You gotta do things in a different way if U wanna get anwyhere »

Lady Cab Driver, vous l’aimez :
1) Un peu
2) Beaucoup
3) Passionnément
4) À la folie ?
O.k., on raye les propositions 1, 2 et 3 et on ne garde que la 4. Et sinon, Sexy Dancer, même question à choix multiple. Propositions 1, 2 et 3 à la poubelle aussi ? O.k. ! Et la coda électrisante de Private Joy alors ? À la folie aussi ? Bravo ! Vous êtres maintenant un Official Member (à vie) du D.S.M.C. Hein, quoi, le « Dance Sex Music Club » ?! Mais non, le Doc Sillon Masterclass Club !
Parmi les nombreuses activités que propose ce vénérable club privé fondé à Minneapolis en 1983, vous pourrez notamment profiter des fameuses séances d’écoute animées par des journalistes-experts de la musique princière. Quel dommage, d’ailleurs, que vous ne nous eussiez pas rejoint plus tôt, car pas plus tard qu’hier, Doc Sillon lui-même animait dans la Purple Room A – la plus grande pièce à musique du club – une masterclass très spéciale savamment intitulée “Réarrange ton esprit avant de héler une chauffeure de taxi new-yorkaise”.
Profitant de son accès privilégié au Vault princier, notre bon vieux Doc nous a fait découvrir en exclusivité mondiale Rearrange,  l’un des vingt-quatre titres extraits de la très attendue réédition “Super Deluxe” de “1999”. Ce sont donc ses propres impressions que je vous livre aujourd’hui et que j’ai pris soin de noter sur le petit carnet à spirale dont je ne me sépare jamais quand j’assiste à ses passionnantes masterclasses – le Doc n’aime pas qu’on l’enregistre, et nous le fait poliment savoir dès qu’il prend la parole.

Ainsi, dès qu’il appuya sur la touche Play de la platine CD et que des imposantes enceintes (« des Elipson » me souffla mon voisin de droite) s’échappèrent les premières mesures de Rearrange, je griffonai presque instantanément « Lady Cab Driver ! » dans mon carnet, passé le léger trouble provoqué par une boîte à rythme programmée à un tempo entre chien et loup et, comment dire, un rien pataude – mais rassurez-vous, ce léger sentiment de frustration s’efface bien vite, dissipé par tout ce qui se passe après

Et il se passe tellement de choses étonnantes dans Rearrange que j’avoue avoir du mal à me souvenir précisément de tout. « Comme vous pouvez le constater, nous dit le Doc, Rearrange contient beaucoup d’éléments que Prince a recyclés dans Lady Cab Driver. » C’est vrai, oui, et point n’est besoin d’être un musicologue averti pour s’en apercevoir ! (D’ailleurs, le Doc s’amuse souvent, en clin d’œil à la géniale chanson de Prince Musicology, à nous dire que nous assistons à une séance de “Musicography” animée par ses soins.)
Car le pont de Rearrange ressemble furieusement à celui de Lady Cab Driver, un pont comme suspendu au groove par les cordes d’acier de la guitare de Prince, qui répète inlassablement cete mémorable cocotte funky qui rappelle aussi un peu celle de Sexy Dancer.

Mais avant d’arriver sur le pont, la route qui y mène trois minutes durant révèle d’étonnantes surprises. Hmm, j’ai du mal à me relire parfois – pas facile d’écrire dans le noir ! « Parties vocales astucieusement multitrackées… Culture funk / attitude new wave… Leçon de chants. » Si j’ai mis un s à chant, c’est parce que le Doc a insisté sur la façon dont Prince savait mélanger plusieurs parties chantées, et qui si l’on pouvait les écouter une par une en partant de la bande multipiste, elles révéleraient l’incroyable étendue de son, de ses registres. (Je vous rapporte ses paroles de mémoire là, pas eu le temps de noter, il parle trop vite parfois.)

Et puis il y aussi cette guitare en feu qui déboule après une minute et des poussières (« Guitre disto rck solo 1mn… » : bon sang, à force de taper sur des claviers, la graphie se barre en sucette…). Alors là, c’est l’extase, suivie, donc, par le pont de folie évoqué plus haut. A 3’50” – c’est le chiffre que j’ai noté –, Prince pianote quelques notes, et c’est là que j’ai pensé à Sexy Dancer. Ce qui ne l’empêche pas de continuer à mettre le feu sur sa six-cordes, jusqu’à s’autoriser, ô surprise, Ô DIVINE SURPRISE (quand je griffone en lettres capitales, c’est qu’il se passe un truc important) un stop chorus incendiaire qu’on aura tôt fait de qualifier d’“hendrixien”. Certes, mais moi il m’évoque aussi, voire surtout Free Form Guitar du regretté Terry Kath, feu le génial guitariste de Chicago.

Voilà, ces six minutes et des poussières (d’étoile) se concluent donc dans un joli petit chaos électrique qui rappellera à d’aucun.e.s le petit délire final de Private Joy dans l’album “Controversy”, et qui donne aussi l’impression d’entrer comme par effraction dans la psyché de Prince, « toujours prêt à (nous faire) jouir sans entraves dès qu’il laisse courir ses doigts graciles sur son manche » (oui, c’est à peu près ça que j’ai écrit son mon carnet, pardonnez-moi).
Notre Prince qui est aux cieux, et qui n’aurait sans doute pas consigné sa ferraillante improvisation finale sur disque, même s’il avait décidé de publier Rearrange fin 1982. Mais au final Rearrange fut remisé dans le Vault, Prince préférant en recycler le meilleur pour élaborer ce chef-d’œuvre des chefs-d’œuvre, j’ai nommé Lady Cab Driver, ce movie 4 your ears, ce film pour vos oreilles sexy-coquin que nous avons tant écouté depuis, depuis… on ne compte plus ! Pas plus qu’on ne comptera le nombre de fois que l’on va écouter et réécouter Rearrange dans les semaines qui viennent.
Rendez-vous lundi avec Bold Generation.

COFFRET Prince : “1999 Super Deluxe” (NPG Records / Warner Music, sortie le 29 novembre).