La parution de “Love In Beats”, dernier LP signé Omar confirme ce que l’on savait déjà : d’abord, que l’homme reste ce gentleman-grouveur qui trace en noble artisan son sillon dans la Brit Black Music. Surtout, qu’il sait s’entourer au moment d’entrer en studio. La soulitude façon Omar, doit se vivre en groupe. Plus singulièrement sous forme de featuring. Robert Glasper, Mayra Andrade, feu Leon Ware ou Stuart Zender s’ajoutent ici à une liste de collaborations déjà copieuses. Muziq.fr en a soumis cinq autres à l’intéressé, piochées dans ses états de services discographiques.
Omar
Feeling You feat. Stevie Wonder
Sing (If You Want It) (Ether Records-2006)
C’est mon ex-manager, Keith Harris, qui m’a permis de rencontrer Stevie Wonder pour la première fois. Il s’occupait aussi de ses intérêts en Grande Bretagne, et lui avait fait parvenir mon deuxième album, “Music ”. Stevie lui avait répondu : « J’aime bien, il faudrait qu’on bosse ensemble » : pour moi c’était tout simplement incroyable ! Bon ça, c’était en 1992. Ce que j’ignorais, c’est la patience dont il allait falloir faire preuve, parce que l’agenda de Stevie est très chargé… En fait, mon téléphone n’a sonné qu’une vingtaine d’années plus tard ! Au bout du fil, une voix douce…« That’s your boy Stevie ! – Quoi ??? Qui ça ? » Franchement, je croyais que c’était un pote qui me faisait marcher. Il a fallu que je lui demande de chanter pour m’assurer que ce n’était pas une blague : là, il n’y avait plus aucun doute ! Il a sauté dans un avion, pour venir jusqu’à chez moi. Et pendant deux semaines, je suis devenu l’ambassadeur de Stevie Wonder à Londres ! Je l’emmenais au restau, en boite, je le ramenais à son hôtel…On a fini par entrer en studio. Là, il m’a dit « j’ai pensé à ça pour toi » Et on a enregistré Feeling You en une journée… C’était un rêve éveillé : je chante ses chansons depuis que j’ai 8 ans…et je me retrouve à suivre ses conseils : il me dicte mes harmonies, la production, les arrangements. Il joue des claviers, se met derrière la batterie, chante pour moi : c’était géant !
James Taylor Quartet
After The Dance feat. Omar
“Don’t Mess With Mr.T – James Taylor Quartet Plays Motown” (Dôme, 2007)
C’est une reprise de Marvin Gaye… qui n’est pas finalement une influence majeure pour moi. En fait, je trouve ses chansons très difficiles à interpréter. En revanche, je suis très ami avec Leon [Ware*, NDR]. Ce qui est marrant d’ailleurs, c’est que je l’ai fréquenté pendant un an avant de réaliser qui il était vraiment. En tous cas, quels étaient ses états de service, le poids de son songwriting –ne serait-ce que dans la carrière de Marvin Gaye. Par exemple, je ne savais pas qu’il avait bossé avec Michael Jackson…Surtout, c’est un type en or, un autodidacte, et un vrai talent. Pour revenir à ce que l’on écoute, disons que je ne pense pas avoir vraiment fait honneur à ce morceau en le reprenant ! [* : Entretien réalisé avant la disparition de Leon Ware, le 23 février dernier]
Misty Oldland
Got Me A Feeling feat. Omar
“Supernatural” (Columbia, 1994)
Je me suis retrouvé sur ce morceau grâce ou à cause de Max Beesley, un ancien claviériste des Brand New Heavies qui est aussi un ami de longue date : on a été à l’école ensemble, à la Guildhall School of Music de Londres. Max m’avait fait écouter les démo de cette fille, Misty Oldland… C’était la petite amie d’un réalisateur de clips, Jake Nava. Et elle était portée par cette vague du “London Street Soul”… C’est d’ailleurs curieux que sa carrière n’ait pas décollé après ça. Parce qu’elle avait vraiment quelque chose. Un feeling, un look, une vraie personnalité. En tous cas, avec son premier album, elle bénéficiait d’un timing parfait. C’était au début des années 1990. À l’époque, on ne se posait pas trop de questions. On ne se demandait pas si cette scène était importante, ou plus créative qu’une autre. On faisait notre boulot, ni plus, ni moins. Mais c’est vrai qu’il y avait un mouvement porteur.
Omar
Be Thankful For What You’ve Got feat. Erykah Badu
“Best By Far” (Naïve, 2000)
Une fois encore, c’est une idée de Keith, mon ex-manager. Personnellement, ma première réaction a été « ouais, pourquoi pas »… C’est devenu une évidence en revanche quand j’ai reçu un coup de fil d’Erykah, un peu par hasard. En tous cas jusqu’à ce que Kedar Massenburg, le Président de Motown de l’époque, ne mette son grain de sel dans l’histoire : tout à coup, ça a viré au bras de fer. J’ai donc décidé de me tourner vers Angie Stone, qui a accepté de remplacer Erykah… sauf qu’au bout de quelques semaines, cette dernière a fini par obtenir le feu vert de son label ! A l’arrivée, je me suis retrouvé avec leurs deux voix [celle d’Angie Stone figure sur l’album suivant, “Sing (If You Want It)”, NDR]. Vous me demandez ce que ça fait d’être cité en modèle par la génération “neo soul” ? Plaisir, forcément ! Je sais qu’avant d’enregistrer son premier disque, Erykah écoutait beaucoup un de mes morceaux, Little Boy. Bilal, aussi. Même D’Angelo, grâce à Angie Stone [choriste et compagne de D’Angelo au milieu des années 1990, NDR] a pas mal écouté mes disques. C’est bien sûr très gratifiant. Mais il y a une grande part de hasard à tout ça : j’étais simplement au bon moment, au bon endroit. C’est d’ailleurs comme ça que je vois pour toute ma carrière.
Level 42
The Sun Goes Down (Livin’It Up)
DJ Dodge Remix
[Rires] C’est le remix de Livin’ It Up par DJ Dodge ! Level 42, c’est vraiment une grosse source d’influence pour moi. Avec Jeff Lorber et Stevie. J’ai la chance d’avoir pu rencontrer les trois. Même si dans le cas de Mark King, c’est très récent. Mark King… C’est quand même le gars qui m’a permis d’apprendre la basse, à l’époque où je n’avais pas les moyens de m’en acheter une, et que je squattais un magasin de musique à Canterbury, où j’habitais. Le propriétaire me permettait d’essayer les instruments, et moi, j’essayais de slapper comme Mark ! Lui et Mike Lindup [clavier de Level 42, NDR] occupent une place énorme dans l’histoire de la musique britannique. Mon admiration pour eux rend ce remix encore plus bizarre… Il date de quand déjà ? Dix ans ? Non, plus de quinze ?!! Bref, vous savez dans quelles conditions j’ai rencontré Mark King ? À un concert de Larry Graham ! Un de mes amis bassiste était invité à partager la scène avec Larry. Avant de laisser sa place à un autre… Mark King ! Enorme ! •
CD “Love In Beats ” (Freestyle Records)
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