Disponible le jour du 75ème anniversaire de la naissance de David Bowie, le coffret Toy:Box propose une triple édition de l’album d’auto-reprises de ses compositions des années 1960. Visite guidée avec son co-producteur original Mark Plati.
Muziq : En octobre 1999, lors d’un concert de la tournée promotionnelle Hours… à Paris, vous aviez repris “Can’t Help Thinking About Me“, une ancienne composition datant de 1965. Étiez-vous alors dans les prémices du projet Toy ?
Mark Plati : Presque ! Quelques semaines plus tôt, nous avions déjà joué “Can’t Help Thinking About Me“ à New York, lors de l’enregistrement de l’émission VH1-Storytellers. David voulait y raconter ses souvenirs des années 1960 et souhaitait les accompagner par une chanson écrite à l’époque. Il a pris tellement de plaisir à la reprendre, et le groupe était si enthousiaste qu’il a décidé de la rejouer lors des concerts suivants. Il a eu ensuite l’idée de se lancer dans l’enregistrement d’un album complet et cette fois, il disposait d’un groupe, contrairement aux années 1960 où ces chansons avaient été produites par différents producteurs avec des musiciens qui changeaient sans cesse. Nous étions donc désormais réunis sous le même toit dans un seul studio, avec la même équipe, la même approche et la même énergie. Toutes les conditions étaient réunies.
David Bowie vous a-t-il fait écouter les versions originales des chansons de Toy avant d’entrer en studio ?
Oui, car je devais les étudier et les retranscrire, mais l’idée n’était pas de recréer ces versions originales à l’identique. David avait toujours eu la capacité de laisser chaque musicien exprimer sa personnalité, puis il donnait une direction à l’ensemble en apportant ses propres idées.
En termes de production, de quelle manière avez-vous abordé Toy ?
À ce stade de ma carrière, les enregistrements auxquels j’avais participé — y compris ceux de Earthling et Hours… — avaient été souvent élaborés en multi-pistes, avec un empilage de parties instrumentales et de nombreux allers-retours avant de donner lieu à un titre abouti. Earthling avait été crée de cette manière, avec parfois des chansons composées en direct dans le studio. Pour Toy, la mission consistait à capturer le son d’un groupe qui avait déjà joué ces titres sur scène. C’était un travail collectif dirigé par David.
De mon côté, j’avais rejoint le groupe lors de la tournée Hours... J’avais déjà collaboré en studio avec lui, mais lors de ces concerts, j’ai pu découvrir une énergie différente. Cette intensité était unique, et c’est ce que j’ai voulu reproduire dans cet album. Dans les années 1960-70, les disques étaient enregistrés dans le but de capturer l’essence live d’un groupe ou d’un artiste. On était plus dans la documentation que dans l’expérimentation, et Toy a été conçu en reproduisant cette méthode.
Vous avez également convié d’autres musiciens lors de séances de Toy, dont Gerry Leonard, guitariste et futur directeur musical de David Bowie, et la multi-instrumentiste Lisa Germano.
Après avoir enregistré les basic tracks, j’ai eu envie d’apporter une couleur différente à quelques titres. Par exemple, Gerry Leonard, qui accompagne toujours Suzanne Vega, a posé ses ambiances de guitare en entraînant vers une direction différente “Shadow Man“, qui, au départ, était un morceau piano-voix. Lisa Germano, qui jouait avec Eels et John Mellecamp, est également intervenue sur beaucoup de titres car David avait tout de suite été séduit par sa sensibilité mélodique et la mélancolie de certaines de ses parties.
Unplugged & Somewhat Slightly Electric Mix, le troisième disque du coffret Toy:Box, est une version alternative plus acoustique de l’album. Quelle est son origine ?
Lors du mixage d’un album, vous avez l’habitude de décortiquer chaque partie et d’analyser leur rôle et leur manière d’interagir entre elles. Pendant l’enregistrement de Toy, Earl Slick a eu l’idée de nous faire jouer tous les deux des parties de guitare acoustique sur ces titres, afin de leur ajouterune texture supplémentaire, un vieux truc que faisaient les Rolling Stones. Nous avons donc joué ces parties, puis nous avons posé la voix de David sur quelques titres. Nous étions à peu près au milieu de l’enregistrement de l’album, et quand David a entendu ces mixes, il a été agréablement surpris et nous a demandé de conserver une trace de ces versions alternatives. Tous les titres de Toy n’ont pas subi ce traitement à l’époque, et nous avons dû ajouter de nouvelles parties acoustiques cette année pour compléter cette version alternative de l’album…
Avec David, les choses se passaient souvent de cette manière : on tentait certaines expériences, et quand quelque chose lui plaisait, nous nous y précipitions à toute allure. David avait le flair pour repérer des pépites, puis de s’enfuir avec (rires) !
La sortie de Toy a été annulée par Virgin Records en 2001. Que s’est-il passé ?
(Soupir)… Toy était un disque cool et spontané, et pas une déclaration artistique avec de nouveaux titres guidés par une nouvelle direction musicale. L’idée était de le sortir très vite, sans grande stratégie, mais le fonctionnement d’un label est très complexe, et David était toujours en avance. Pendant que nous mixions Toy, il était déjà en train d’enregistrer des titres qui allaient figurer dans Heathen, son album suivant. Une fois lancé, il était impossible de l’arrêter. J’avais déjà vécu plusieurs annulations d’albums dans ma carrière, et je n’ai pas été plus surpris que ça. David avait été très déçu, mais je savais aussi que David avait la capacité de contourner ce genre d’obstacle en recyclant ses anciennes idées. Par exemple, j’avais travaillé dès 1996 sur “Bring Me The Disco King“, qu’on trouvera plus tard dans l’album Reality (2004, ndr.). Nous avions tenté d’en créer plusieurs formes avant qu’il ne trouve le bon arrangement des années plus tard. Écoutez aussi “Black Star“, on y entend des parties de drum’n’bass, comme un écho à Earthling… J’avais été très touché en découvrant ce petit clin d’œil.
Comment avez-vous réagi lors de la fuite de Toy sur Internet en 2011 ?
Bien sûr, ça ne m’a pas fait plaisir, et ça m’a même beaucoup plus contrarié que l’annulation de l’album dix ans plus tôt. Toy ne devait pas voir le jour de cette manière, et je n’ai même pas voulu savoir ce que ces fuites contenaient. Je sais que David était furieux, et certaines personnes ont même suggéré que les fichiers provenaient de mon ordinateur portable. On racontait que je l’avais oublié dans le métro, et qu’un fan de David Bowie qui passait par là avait juste soutiré le dossier Toy en lassant toute mes informations personnelles intactes (rires) ! Du grand n’importe quoi… Je suis très heureux que toute le monde puisse découvrir enfin Toy, et c’est aussi le moyen de revisiter une période très riche de la carrière de David.
Propos recueillis par Christophe Geudin
David Bowie Toy (Toy:Box) disponible le 7 janvier. Coffret 5. Brilliant Adventure (1992 – 2001) disponible depuis le 26 novembre (ISO/Parlophone/Warner Bros.)
DAVID BOWIE – TOY (TOY:BOX) CD
CD1 TOY
I Dig Everything
You’ve Got A Habit Of Leaving
The London Boys
Karma Man
Conversation Piece
Shadow Man
Let Me Sleep Beside You
Hole In The Ground
Baby Loves That Way
Can’t Help Thinking About Me
Silly Boy Blue
Toy (Your Turn To Drive)
Produit par David Bowie & Mark Plati
Ingénieur du son : Pete Keppler
Mixé par Mark Plati assisté d’Hector Castillo, Steve Mazur et Todd Parker
Enregistré à Sear Sound, The Looking Glass & Alice’s Restaurant à New York, été 2000
CD 2 TOY- Alternatives & Extras
Liza Jane
You’ve Got A Habit of Leaving (alternative mix) *
Baby Loves That Way (alternative mix) *
Can’t Help Thinking About Me (alternative mix)
I Dig Everything (alternative mix)
The London Boys (alternative version)
Silly Boy Blue (Tibet version)
Let Me Sleep Beside You (alternative mix) *
In The Heat Of The Morning
Conversation Piece (alternative mix) *
Hole In The Ground (alternative mix)
Shadow Man (alternative mix) *
Toy (Your Turn To Drive) (alternative mix) *
Produit par David Bowie & Mark Plati sauf ‘The London Boys’, production additionnelle de Tony Visconti
‘Silly Boy Blue’ (Tibet version) Produit par David Bowie & Tony Visconti
Ingénieur du son : Pete Keppler à Sear Sound, assisté de Todd Parker
Ingénieur du son : Mark Plati à Alice’s Restaurant
Enregistré à Sear Sound, The Looking Glass & Alice’s Restaurant à New York, été 2000 sauf ‘Silly Boy Blue’ (Tibet version) enregistré à The Looking Glass, 2001
Mixé par Tony Visconti assisté de Darren S. Moore au Manhattan Center, début 2001
Sauf ‘Liza Jane’ & ‘In The Heat Of The Morning’ mixé par Mark Plati assisté d’Hector Castillo à The Looking Glass.
*Previously released
CD 3 TOY – Unplugged & Somewhat Slightly Electric
In The Heat Of The Morning (Unplugged & somewhat slightly electric mix)
I Dig Everything (Unplugged & somewhat slightly electric mix)
You’ve Got A Habit of Leaving (Unplugged & somewhat slightly electric mix)
The London Boys (Unplugged & somewhat slightly electric mix)
Karma Man (Unplugged & somewhat slightly electric mix)
Conversation Piece (Unplugged & somewhat slightly electric mix)
Shadow Man (Unplugged & somewhat slightly electric mix)
Let Me Sleep Beside You (Unplugged & somewhat slightly electric mix)
Hole In The Ground (Unplugged & somewhat slightly electric mix)
Baby Loves That Way (Unplugged & somewhat slightly electric mix)
Can’t Help Thinking About Me (Unplugged & somewhat slightly electric mix)
Silly Boy Blue (Unplugged & somewhat slightly electric mix)
Toy (Your Turn To Drive) (Unplugged & somewhat slightly electric mix)
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Direction artistique : François PLASSAT
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